Le cycle de vie fascinant du Bar Rayé et ses grandes migrations saisonnières

Un poisson anadrome au rôle écologique clé

Le Bar Rayé est une espèce anadrome, c’est-à-dire qu’il se reproduit en eau douce et grandit en milieu marin (DFO, 2021). Dans le sud du Golfe du Saint-Laurent, la principale frayère se situe dans la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, où les adultes se regroupent au printemps. Les études menées par le Ministère des Pêches et Océans (MPO) soulignent l’importance de cette population dite « du sud du Golfe » pour l’ensemble de la Baie-des-Chaleurs (MPO, 2019).

Migrations saisonnières et fraie en rivière

  • Migration printanière : Chaque année, à la fonte des glaces (avril-mai), d’importants bancs de Bars Rayés quittent leurs aires d’hivernage côtières pour remonter la rivière Miramichi (Bradford et al., 2012). La température de l’eau doit atteindre environ 12-14 °C pour déclencher la fraie (DFO, 2021).
  • Fraie et protection : Une fois la frayère atteinte, les femelles libèrent des œufs dans la colonne d’eau tandis que les mâles les fécondent. Les autorités ferment alors certains tronçons de la rivière à la navigation et à la pêche pour éviter de perturber la reproduction (MPO, 2019).
  • Développement des alevins : Les œufs et larves dérivent avec le courant jusqu’à des zones d’alimentation propices. Seuls les alevins les plus résistants survivent aux variations de débit, de salinité et de prédation (Cook et al., 2006).

Croissance marine et retour dans la Baie-des-Chaleurs

  • Montée vers le Golfe : Après leur première phase de vie en rivière, les jeunes Bars Rayés gagnent le Golfe du Saint-Laurent, où ils trouvent nourriture (lançons, harengs, petits crustacés) et eaux modérément tempérées (MPO, 2019).
  • Rôle de prédateur : Devenus adultes, ils passent la majeure partie de l’année en mer et jouent un rôle régulateur dans l’écosystème côtier, contrôlant l’abondance d’espèces comme le maquereau ou le capelan (Parcs Canada, 2020).
  • La Baie-des-Chaleurs : À la belle saison, un grand nombre de Bars Rayés convergent vers la Baie-des-Chaleurs pour s’alimenter, où la température de l’eau est légèrement plus élevée. Ils y trouvent d’abondantes proies et un environnement riche en nutriments (DFO, 2021).

Fluctuations et fragilité de la population

Facteurs naturels

  • Température et débits de rivière : Des printemps trop froids ou trop secs peuvent affecter la fraie et la survie des œufs (Bradford et al., 2012).
  • Hivers rigoureux : Étant à la limite nord de leur aire de répartition, les Bars Rayés subissent parfois d’importantes mortalités hivernales (MPO, 2019).

Influences humaines

  • Altération des habitats : L’aménagement des berges, la pollution et la présence de barrages peuvent perturber la migration ou dégrader la qualité de l’eau (Cook et al., 2006).
  • Pêche et régulations : La pêche sportive et commerciale doit être strictement encadrée pour préserver la résilience de la population (DFO, 2021).

Les inventaires réalisés en 2017-2018 ont montré une baisse notable de la population dans la Miramichi, passant d’environ 900 000 individus à 333 000 (MPO, 2019). Bien que les marges d’erreur soient importantes, ces chiffres rappellent la vulnérabilité de l’espèce.

 

Réintroduction dans le Saint-Laurent : un succès prudent

La population historique du Saint-Laurent avait presque disparu à la fin des années 1960 en raison de la dégradation des frayères et de la pollution (Robitaille, 2000). Au début des années 2000, un programme de réintroduction piloté par le MPO a permis d’ensemencer plus de 6,5 millions de Bars Rayés, issus de la souche de la Miramichi, dans le fleuve (DFO, 2021). Les suivis récents indiquent une recolonisation progressive des anciens habitats, notamment près de Rimouski et dans la côte nord (MPO, 2019).

Importance économique et pêche sportive

Le Bar Rayé suscite aujourd’hui un engouement croissant chez les pêcheurs sportifs de la Gaspésie et de la Baie-des-Chaleurs (Parcs Canada, 2020). Il génère des retombées économiques régionales (hébergements, services de guides), tout en exigeant une gestion rigoureuse pour éviter la surexploitation. Sa prédation sur d’autres espèces marines maintient un équilibre écologique précieux, faisant du Bar Rayé un indicateur clé de la santé des écosystèmes côtiers.

Vers un futur responsable

Malgré l’évolution positive de certaines populations, la stabilité à long terme du Bar Rayé demeure fragile. Les écosystèmes côtiers subissent de multiples pressions (changement climatique, pollution, urbanisation). Le MPO et les acteurs locaux (associations de pêche, universitaires) recommandent de poursuivre les recherches afin de mieux comprendre la dynamique migratoire, la génétique des populations et l’adaptation de l’espèce aux variations environnementales (MPO, 2019).

En s’appuyant sur ces données scientifiques, on constate que la sauvegarde du Bar Rayé dans la Baie-des-Chaleurs et dans le Saint-Laurent est le fruit d’un équilibre délicat entre conservation, gestion halieutique et concertation de tous les acteurs impliqués. Sa présence demeure un indicateur fort de la santé des milieux aquatiques au Québec et dans les provinces maritimes.

Références succinctes

  • Bradford, R.G., et al. (2012). Biology and management of Striped Bass in Atlantic Canada. DFO Can. Sci. Advis. Sec.
  • Cook, A.M., et al. (2006). Influences of water temperature on early life stages of anadromous fish. Fisheries Research Journal.
  • MPO (Ministère des Pêches et Océans Canada) (2019-2021). Rapports sur l’évaluation du Bar Rayé dans le Golfe du Saint-Laurent. Gouvernement du Canada.
  • Parcs Canada (2020). Gestion de la faune et des écosystèmes marins du Canada atlantique.
  • Robitaille, J. (2000). Le déclin du Bar Rayé dans l’estuaire du St-Laurent. Rivière et Biodiversité, Vol. 2.